Ms. Lilia Belkhodja Farhat

Ms. Lilia

Interview N°4

Ms. Lilia Belkhodja Farhat, 53 ans,
Agricultrice

Lilia est ingénieur agronome de formation et agricultrice de métier. Elle a une expérience de trente ans dans ce domaine où la monotonie n'existe pas et où les défis se renouvellent chaque année.
Investie et dynamique, découvrez le parcours de Lilia plus en détails.

Ms. Lilia Belkhodja

Racontez-nous votre journée type ? Quel est votre moment favori de la journée ?

Ma journée type dépend de la période de l’année puisque l’agriculture est une activité cyclique. Certaines périodes, comme celle du printemps et de l’été, je vais tous les jours à l’exploitation. D’autres périodes sont moins chargées, notamment en hiver où je n’y vais que deux fois par semaine. Le reste du temps, je m’occupe d’autres aspects de l’entreprise comme le contrôle qualité, les achats et la finance. Le moment que j’apprécie le plus dans mes journées, c’est quand je fais ma tournée dans les différentes cultures et que, je vois que tout se passe bien. Je repars au bureau rassurée et confiante. Gérer une exploitation nécessite une attention de tous les instants et il est nécessaire de veiller de près à ce que les plantations ne manquent de rien : eau, nutriments, traitements etc. Dans un sens, c’est quelque part comme prendre soin de ses enfants et veiller en continu sur eux.

L'agriculture est un milieu relativement masculin. Avez-vous un conseil pour les femmes qui travaillent dans ce domaine ? Et pour les femmes qui travaillent dans des milieux masculins en général ?

Me retrouver dans ce milieu essentiellement masculin a été un peu un choc au début. Paradoxalement, dans la promotion phytotechnie de l’INAT, nous étions une majorité de filles, environ vingt sur une trentaine d’étudiants et la plupart de ces femmes se sont orientées plutôt vers l’enseignement et la recherche. Il faut dire que le milieu agricole peut paraître un peu rude avec des conditions relativement difficiles sur le terrain. On retrouve des femmes dans le milieu agricole, majoritairement dans des postes d’ouvrières agricoles ; les hommes sont plus présents dans la partie technique. Les exploitations agricoles gérées par des femmes sont encore très rares en Tunisie. Toutefois, j’observe depuis quelques années un petit changement de tendance avec de plus en plus de femmes en charge d’exploitations agricoles.
Concernant les conseils que je donnerais aux femmes travaillant dans ce domaine, j’ai peut-être eu la chance de n’avoir jamais souffert du fait d’être la seule femme dans un milieu très masculin. Je ne me suis jamais sentie mal à l’aise. Je pense que cela est dû au fait que j’ai toujours travaillé en concertation et en échange avec les hommes. J’ai toujours fait attention d’être à l’écoute de leurs avis et conseils pour mieux arbitrer quand cela est nécessaire. Nous avons pu installer une relation de confiance mutuelle qui a donné beaucoup de fluidité dans nos relations de travail.
Si j’avais un conseil à donner, ce serait d’écouter ceux avec qui on travaille et de faire les choses en concertation. L’agriculture est un métier où l’expérience est très importante et tout détail compte ; cela s’apprend au travers des années et des expériences de ceux qui ont pratiqué et observé le terrain.

Si j’avais un conseil à donner,
ce serait d’écouter ceux avec
qui on travaille et de faire les
choses en concertation.

Ms. Lilia Belkhodja

En tant que mère de trois enfants et business woman, quels sont les conseils que vous auriez aimé recevoir quand vous étiez jeune maman ?

J’ai eu la chance d’avoir mes parents pas loin de chez moi, ils ont été très présents. Ma mère m’a énormément aidée et m’a constamment conseillée. En plus, j’ai fait une petite « pause » entre mes 3 enfants pour pouvoir passer suffisamment de temps avec eux dans leur prime enfance. Si je les avais eu très rapprochés, cela aurait été plus compliqué à gérer, notamment pour mes engagements professionnels vu que je reprenais le travail au bout de 3 semaines à chaque fois. Inconcevable d’être plus de quelques semaines hors de la ferme pour moi (rire). Peut-être qu'aujourd'hui on aurait pu m’envoyer des vidéos, des photos ou autre pour une gestion à distance, mais à l’époque la présence sur terrain était nécessaire pour vérifier que tout se passait bien.
On apprend aussi, au fil du temps et au fur et à mesure que les enfants grandissent, que l’éducation n’est pas une équation mathématique et que chaque enfant à sa propre personnalité : ce qui marche avec l’un ne marchera pas forcément avec l’autre.

Racontez-nous votre parcours et comment vous êtes arrivée à votre poste actuel ?

J’ai fait mon cursus universitaire à l’INAT, l’Institut National Agronomique de Tunisie promotion 1986s spécialité Phytotechnie.

A la suite de mes études d’ingénieur agronome, j’ai réalisé un stage de quelques mois en France en laboratoire pour me perfectionner dans les produits naturels, une expérience qui m’a particulièrement marquée. Ensuite, j’ai rejoint l’entreprise familiale dans laquelle travaillaient mon père et mes deux frères. De par ma formation, j’ai immédiatement été en charge du développement des projets agricoles. J’ai commencé à travailler en 1988 dans cette exploitation de 120 hectares. Depuis, je ne l’ai jamais quittée.

L’agriculture était quelque part un rêve qu’avait nourri mon père pour moi. Devenir agriculteur était son rêve d’enfance et il a su me transmettre sa passion. Son affection pour l’agriculture tire son origine de son expérience pendant la guerre : alors enfant, il se réfugiait dans l’exploitation agricole de son oncle pour fuir les bombardements sur Tunis.

Qu'est-ce qui vous passionne dans votre métier?

Ce que j’aime le plus dans le métier d’agricultrice est qu’il est plein de surprises et d’aléas qu’on ne peut pas toujours maîtriser. On apprend beaucoup au fil des années mais chaque année apporte son lot de challenges à relever.

En trente ans de carrière, je n’ai jamais connu une année semblable aux précédentes. C’est un métier où on doit vraiment savoir s’adapter et c’est justement ce qui est intéressant, avec un effet zéro routine. C’est très formateur sur le plan personnel aussi, on apprend à gérer les aléas avec plus de calme et, quelque part, à accepter la fatalité.

Gérer une exploitation,
c’est comme prendre soin
de ses enfants et veiller
en continu sur eux.

La sécheresse est un problème inhérent à l'agriculture tunisienne. Comment faites-vous pour composer avec cette réalité édaphique ?

C’est un constat inéluctable: la Tunisie est un pays qui est déjà touché par la sécheresse. Dans notre exploitation, nous essayons de maîtriser au mieux nos apports en eau : l’irrigation se fait au goutte à goutte, et nous avons installé des sondes qui relèvent en temps réel l’humidité dans le sol et permettent d’irriguer selon le besoin en eau des cultures.
Au vue de l’évolution de nos réserves en eau, je pense qu’il faudra envisager d’abandonner progressivement certaines cultures fortement consommatrices en eau au profit d’autres comme les oliviers. Il devient nécessaire d’adapter nos cultures à nos réserves hydriques. Dans les vingt ou trente prochaines années, il est évident que la Tunisie ne produira plus vraiment les mêmes végétaux qu’aujourd’hui.

Ms. Lilia Belkhodja

Quelle est la plus grande difficulté à laquelle vous avez dû faire face dans votre vie professionnelle et comment l'avez-vous surmontée ?

La plus grande difficulté à laquelle j’ai dû faire face a été de m’émanciper de la théorie apprise à l’université pour l'adapter et l'appliquer sur le terrain. L’enseignement que nous avons pu avoir à l’INAT donne des bases théoriques très consistantes mais il gagnerait à être enrichi par plus d’expériences sur le terrain. Au cours de mes études, je n’ai eu que très peu de cours pratiques et j’ai effectué mon stage dans un laboratoire, donc je n’avais jamais eu d’expérience terrain à proprement parler avant de commencer ma vie professionnelle. J’ai dû faire face à des situations difficiles dues à mon manque d’expérience. Je me souviens encore de l’année où j’ai eu affaire à des coups de sirocco et toute une récolte a brûlé. J’ai énormément appris sur le terrain. Mon père me disait que la seule vraie manière de progresser était d’apprendre de ses erreurs.

Quelle personne vous inspire dans votre parcours professionnel ?

Je n’ai pas forcément d’idole dans l'agriculture, ou un grand ingénieur agronome qui m’inspire (rire). Mon inspiration vient surtout de mon père. Il a joué un rôle très important, même si je n’étais pas toujours d’accord avec lui. Il continue aujourd’hui à m’inspirer beaucoup dans ma façon de voir les choses. Il a eu, par ailleurs, une influence sur ma gestion de l’humain. J’ai beaucoup appris de lui. Je ne lui ai pas forcément dit quand il était là, mais il est encore aujourd’hui une très grande source d’inspiration pour moi.

Je pense que c’est le crédo de ma famille: “pour vivre heureux, vivons cachés”.

J’aime les choses simples avec
une touche de féminité, ce que
je retrouve dans la nouvelle
collection Ms. Marion

Quelles sont vos pièces favorites de la collection et pourquoi ?

J’ai bien aimé les tops de cette année. J’en ai d’ailleurs achetés trois. Ils sont simples et présentent cette petite touche de féminité en toute discrétion, un peu comme moi. C’est en partie mon métier qui m’a aussi un peu transformée. Je porte rarement des robes. J’aime les choses simples avec une touche de féminité, ce que je retrouve dans la nouvelle collection Ms. Marion. Sobriété et féminité.

Parlons un peu hobbies, quelle est votre lecture du moment ?

Je lis énormément. Ma dernière lecture est un livre de Katherine Pancol, Trois baisers. C’est une saga avec des personnages assez spéciaux mais qui sont très intéressants.

Avez vous un conseil pour nous Ms. Marion ?

Mon conseil c’est persévérer ! Le concept de Ms. Marion est super sympa, et la demande de vêtements professionnels sera toujours là. Continuez sur votre lancée ! Je pense qu’il y a une vraie place à prendre en Tunisie, notamment avec le rapport qualité prix existant et l’évolution du taux de change pour les marques importés. Au niveau des collections, je verrai bien plus de tissus imprimés.