Le multitasking : bon ou mauvais ?
Vous arrive t-il de consulter vos emails pendant une réunion ? De répondre à un texto pendant une pause café avec un collègue ? De jongler d’un dossier à l’autre tout en prenant des appels téléphoniques ? Si c’est le cas, vous faites partie de ceux que l’on appelle les « multitaskeurs ».

Le multitasking, c’est le fait d’effectuer plusieurs activités à la fois. A priori, cela permettrait de gagner du temps et donc d’être plus productif. Mais est-ce vraiment le cas ? Bien sûr, écouter de la musique en cuisinant, ou encore tenir une conversation en faisant la vaisselle ne posent pas de difficulté majeure à notre cerveau. Mais qu’en est-il des activités complexes, qui nécessitent un certain niveau d’attention et de concentration ?

Le multitasking s’est immiscé dans nos vies quotidiennes au bureau comme dans les cercles privés avec la démocratisation des nouvelles technologies et la multiplication des canaux de communication. Nous tentons laborieusement d’aligner la vitesse de traitement des informations par notre cerveau sur celle des machines que nous utilisons. C’est d’ailleurs du monde de l’informatique que vient le terme « multitask » désignant à l’origine un système d’exploitation capable de traiter en même temps plusieurs programmes informatiques.

Certains psychologues doutent sévèrement du gain de temps que permettrait le multitasking. La raison principale est que passer d’une tâche à l’autre implique un «coût de changement » (appelé « switching cost en anglais »), à savoir un certain temps pour abandonner une tâche et en commencer une autre. Une expérience réalisée en 2001[1] a non seulement permis de prouver l’existence de ce coût de changement, mais également de montrer qu’il augmentait de façon proportionnelle à la difficulté des tâches à effectuer. Autrement dit, plus ce que vous faites est compliqué, et plus le temps qu’il faudra à votre cerveau pour changer de tâche sera long. D’après David Meyer, universitaire Américain spécialisé en psychologie, la préparation mentale due aux changements de tâches peut coûter jusqu’à 40% du temps productif !

Une autre étude menée en 2008 par Gloria Mark[2] a apporté des résultats différents : elle a au contraire démontré que les multitaskeurs terminaient leurs tâches plus rapidement que les autres, mais que cette rapidité été due à un empressement et à un travail dans un état d’urgence. De plus, lorsque les personnes devaient effectuer des tâches écrites, les rendus étaient moins longs pour les multitaskeurs. Ensuite, le niveau de stress chez ces derniers était plus élevé, de même que leur niveau de frustration et leur sentiment de pression.

Aussi, le multitasking est devenu tellement naturel que nous oublions parfois qu’il peut entraver les relations humaines : il est peu agréable voire offensant d’échanger avec quelqu’un qui consulte son téléphone, d’avoir une conversation téléphonique avec une personne qui est concentrée sur la rédaction d’un email, ou encore d’animer une réunion face à une équipe de travaille plongée dans des écrans.




Sources :

M. Desroches (2018), La vérité sur le multitasking : Est-ce bon ou mauvais pour la productivité ? (Partie 1).
G. Mark, D. Gudith et U. Klocke, (2008), The cost of interrupted word : More speed and stress.
American Psychological Association (2006), Multitasking : switching costs.


[1] Expérience réalisée par Joshua Rubinstein, Jeffrey Evans, et David Meyer
[2] Docteure en psychologie et professeur au département informatique à l’université de Californie à Irvine